13 septembre 2021

Pourquoi je me fous de trouver ma mission de vie

Ces dernières années, on entend beaucoup parler de « trouver sa mission de vie ». Une expression qui, à force de l’entendre et la lire à toutes les sauces, me sort un peu par les yeux. Voilà, c’est dit.

Personnellement, ce concept ne m’a jamais été très utile. Mais surtout, je constate dans mes accompagnements que chercher sa mission de vie (ou son ikigai, sa vocation, etc.) maintient beaucoup de gens dans l’attente, la frustration et le tournage en rond. Ce qui est un peu l’inverse du but recherché – oui cette expression est affreuse mais tu as compris l’idée.

Pourquoi, comment, et qu’est-ce qu’on peut faire de plus fertile que chercher sa mission de vie ? Je t’en parle dans cet article 🙂

La mission de vie, un concept rigide

Attente, pression et immobilité

Dans mes coachings ou ateliers, je vois beaucoup de gens attendre de la mission de vie une sorte de révélation sur ce qu’ils·elles doivent faire – si possible jusqu’aux restants de leurs jours.

Or nous sommes des êtres vivants, et qui dit vivant dit « en perpétuelle évolution ».

Chercher à figer ta mission pour l’éternité, c’est l’inverse de ça. C’est un mouvement de fermeture, la porte claquée sur un processus naturel de changement – et toutes les possibilités qui vont avec.

Ça, consciemment ou inconsciemment, tu le sais très bien. C’est précisément pour ça que tu ne trouves pas ta mission de vie : parce qu’au fond de toi, tu sens bien que c’est quelque chose de rigide et d’enfermant. Que ça met une pression de DINGUE sur ce que tu choisis et ce que tu vis.

Comment pourrais-tu expérimenter les choses sereinement et prendre le temps de sentir comment c’est pour toi, si à chaque expérience surgit la question : « OMG, est-ce vraiment pour ÇA que je suis fait·e ? Comment être sûr·e que je ne me trompe pas ? »

Devant une telle montagne d’enjeux, ça peut vite être paralysant de s’engager dans telle ou telle direction. Du coup, autant rester immobile ou continuer à tourner en rond, plutôt que de partir dans la mauvaise voie…

La mission de vie peut être un concept intéressant si elle amène de l’ouverture et de la reconnaissance sur ce qui est vivant pour toi, ici et maintenant.

Mais dans la façon dont s’en saisissent beaucoup de gens, elle génère surtout pression, attentes et rigidité. Parce qu’on cherche à savoir avant d’y être, et à figer les choses sur le mode « ils·elles vécurent heureux avec leur vocation (et peut-être qu’ils·elles eurent beaucoup d’enfants mais l’histoire ne le dit pas) ».

La vie n’est pas une trajectoire bien droite

Je sais, les livres de dév perso sont pleins de beaux récits de gens qui n’étaient qu’errance jusqu’à ce qu’ils·elles trouvent LEUR mission de vie (lumière divine et tapis rouge déroulé sur le chemin de la fluidité perpétuelle).

L’avantage des histoires, c’est qu’on peut sélectionner les faits pour qu’ils dessinent une trajectoire bien nette. Narrativement, c’est plus palpitant. Mais on sait que la réalité est rarement aussi simple.

Avec la mission de vie, il y a la tentation de te croire arrivé, ou de relire ton parcours en mode : « Tout ce que j’ai fait avant n’était que plantages, mais ça y est, je suis dans le droit chemin aujourd’hui ». Comme s’il y avait un bon choix à faire, qui invaliderait tous les précédents.

Alors que concrètement, tu fais de ton mieux à chaque instant, avec tes ressources actuelles, tes envies du moment et les infos dont tu disposes. Et tout ça évolue en permanence.

Peut-être qu’à un moment, c’est méga aligné pour toi d’être consultant·e en marketing, et puis à un autre, c’est de cultiver la terre en permaculture. Moi pendant 13 ans, j’ai adoré vivre en centre-ville, je ne voulais vivre nulle part ailleurs. Et puis à un moment j’ai eu envie de déménager à la montagne, et je me sens hyper cohérente d’y être. Il n’y a aucun moment où je me fourvoyais : juste des envies qui ont évolué.

Regarde Yannick Noah : à quel moment il s’est planté dans son parcours ? Quand il gagnait Roland-Garros, ou quand il remplissait un stade de France sans porter de chaussures ? Est-ce qu’il aurait connu une deuxième carrière aussi dingue, s’il s’était rigidifié sur une mission de vie ? (Note : oui, on peut trouver des éléments communs sur le côté spectacle, communion avec le public… Mais franchement, je suis pas sûre qu’il ait eu besoin de cet éclairage pour avancer. Yannick, si tu passes par là, dis nous, les français veulent savoir.)

Trouver ta mission de vie n’est pas une baguette magique

Le syndrome du papillon

Souvent, quand on cherche sa mission de vie, c’est qu’on éprouve du mal à s’engager concrètement dans une voie ou un projet, qu’on se sent perdu·e ou pas bien là où on est.

Peut-être que comme moi, tu as (eu) le syndrome du papillon : j’ai une nouvelle idée, je suis excité·e comme un souriceau sous une cloche à fromages. Puis je rentre dans le concret… Et patatras, l’enthousiasme retombe. Je n’arrive pas à me concentrer sur une priorité, ni à faire une chose à la fois, un pas après l’autre. Rien que d’y penser, la quantité de choses à faire m’assomme. Et puis… Oh tiens, une autre idée !

Et c’est reparti pour un tour…

On peut aller d’idées en projet en idées en projet comme ça, sans jamais s’engager dans quoi que ce soit, en se racontant qu’on a pas encore trouvé sa mission de vie. Avec derrière, la croyance fermement vissée que : « Si c’était vraiment mon truc, ce serait simple ».

Fantasme vs. projet

Là encore, je m’inscris en faux : trouver sa vocation (si on veut appeler comme ça un truc qui nous fait palpiter) ne rend pas les choses plus simples.

La clarté sur ce que je veux ne fait pas disparaître les obstacles par magie. Tous les projets comportent leur lot de challenges et d’intensité à traverser. Absolument tous.

En revanche, il est clair que passer du temps au contact de tes rêves et désirs (plutôt que de te saborder en étant obsédé·e par la question : « Est-ce bien pour ÇA que je suis fait·e pour l’Éternité ? ») peut radicalement changer ton énergie, et ta motivation à dépasser les difficultés.

Ce que j’observe chez beaucoup de gens, et qui crée beaucoup de frustration et d’immobilité, c’est que :

  • Ils·elles ne s’autorisent pas à rêver vraiment. À peine l’envie émergée, ils·elles ne prennent pas le temps de la goûter, parce qu’ils·elles regardent déjà les contraintes, ce que ça va coûter, si c’est bien ça leur truc, etc.
  • Et/ou ils·elles se lancent dans des fantasmes, plutôt que des projets. Ils·elles se jettent sur une idée en s’imaginant que ce sera facile et fluide et lisse et sans difficultés… Sauf que dans la vie, ça se passe rarement comme ça. Du coup forcément, au premier obstacle ils·elles arrêtent, découragé·es.

Fais le test avec tes rêves : pour chacun d’eux, fais la liste de ce que tu vas retirer de génial si tu les concrétises dans une colonne, et de ce que ça va te coûter de les réaliser dans une autre.

Si tu dresses cette liste honnêtement, tu verras qu’il y autant de raisons (peut-être même plus) de rester là où tu es que d’avancer vers tes rêves. À commencer par le fait que là où tu es, il n’y a pas besoin d’aller dans l’inconnu.

Du coup, la question c’est : à quel point t’en as envie ?

Il n’y a aucun rêve plus enviable ou plus facile qu’un autre : en revanche, il y a celui pour lequel tu préfères encore te fader la colonne des trucs coûteux, que de ne pas le réaliser. Parce que tu as cet élan physique d’y aller.

C’est pour ça que la vocation ou révélation sur ta mission de vie qui rend la vie facile, c’est une croyance à virer tout de suite. Si J.K. Rowling s’était raconté ça, avec ses 8 refus de manuscrit, je peux te dire qu’on serait jamais allé·es à l’École des Sorciers.

Ta priorité : rencontrer, suivre et assumer tes désirs

Alors que faire pour avoir plus de clarté sur ce qui t’anime, trouver du sens et du plaisir dans ton boulot et dans ta vie ?

Rester prostré·e en attendant que tes guides spirituels sortent du PMU où ils semblent s’être un peu oubliés ?

guides mission de vie
Guides occupés, repasse plus tard.

Faire de la place à tes désirs, des plus petits (« j’ai envie d’aller me baigner ») aux plus dingues (« et si on vendait notre maison pour faire le tour du monde ? »).

Te demander régulièrement : « Qu’est-ce que je veux, là maintenant ? ». Et pas juger ou censurer la réponse. Simplement la reconnaître, l’accueillir. Goûter la saveur de tes envies… Et suivre cet élan.

Au fond de toi, tu sais ce que tu veux à chaque instant.

Mais on est si peu habitué·es à écouter cette voix qu’on se raconte qu’on ne sait pas.

L’expression de tes désirs est un peu rouillée ? C’est pas un problème. Teste une direction, regarde ce qui te plaît et ne te plaît pas là-dedans, ajuste pour que ça te corresponde mieux, ou bien fais demi-tour quand tu es sûr·e que ce n’est pas par là.

Et puis recommence, encore et encore, pour avoir une expérience et une compréhension toujours plus fines de ce que tu veux, à chaque instant.

La boussole pour trouver ton chemin dans ce bordel qu’est la vie, c’est une écoute très fine de toi.

Pars de ce que tu sais. Ça peut être « je ne veux plus être salarié·e », « je veux accompagner les femmes », « j’aime vendre des couvre-lits », peu importe.

Pars de ce qui est vrai, ici et maintenant, et expérimente, plutôt que de taper des crises d’angoisse devant ton cahier pour trouver ta mission de vie.

Tout s’affine et s’ajuste en marchant, à chaque instant.

(Au passage : même ceux·celles qui « trouvent leur vocation » n’ont pas le sésame d’une vie heureuse. Je peux te donner des dizaines d’exemples d’artistes qui noient leur mal-être dans l’addiction, de sportif·ves écœuré·es du haut niveau, de docteur·es ou d’enseignant·es désabusé·es… Ils accomplissent leur « mission de vie », et pourtant ils tombent une bouteille de vin par soir ou vivent en mode automatique. Quand l’écoute fine de soi n’est pas au rendez-vous, vivre de sa passion ne suffit pas à se sentir heureux·se et aligné·e.)

Trouver sa mission de vie vs. Écouter ce qui est vivant dans l’instant

Le concept de mission de vie a le mérite de poser des questions essentielles : Qu’est-ce que tu aimes vraiment faire ? Pour quoi es-tu prêt·e à soulever des montagnes ? À quoi tu as envie de dédier ton temps, tes ressources, ton énergie ? Ce sont des questions qu’assez peu de gens se posent – encore moins régulièrement – et qui pourtant peuvent complètement changer une trajectoire quand tu t’ouvres à la réponse.

Le piège, tu l’as compris, c’est de chercher une réponse définitive et rigide. De pas oser, tester, t’engager, parce que tu as peur de te tromper, de pas avoir trouvé LE truc. Alors que si ça se trouve, il y aura 12 trucs dans ta vie, et chacun t’apportera quelque chose de précieux.

Personnellement, j’ai commencé par être urbaniste parce que j’étais vraiment attirée par ce métier. Je suis allée au bout de mon idée et c’est ce qui m’a permis de changer de voie sans regrets. Puis je suis devenue rédactrice web et blogueuse parce que je voulais être à mon compte et vivre de mon écriture. Au bout de 3 ans, j’ai réalisé que c’était trop solitaire et répétitif pour moi, et j’ai eu un coup de cœur pour le coaching. Aujourd’hui, je mixe les deux : j’écris pour le kif sur ce blog et mes différents réseaux, et j’accompagne des leaders du changement à incarner ce en quoi ils·elles croient vraiment.

C’est ce qui me fait vibrer, là maintenant.

Est-ce que c’est ma mission de vie ? Franchement, j’en sais rien. Et je m’en fiche. Ça m’empêche pas d’aimer ce que je fais et d’y trouver du sens.

Rien de tout ça n’a été rectiligne, définitif ou figé. Et ça continue de bouger, à chaque instant.

Peut-être que demain, je ne m’y retrouverais plus… Et pour autant, je ne me serais pas trompée de voie. Parce que mes expériences me construisent et me préparent pour l’étape d’après. Tout ce que j’ai à faire, c’est d’écouter ce qui est juste et vrai dans l’instant, et de poser des actions alignées avec ça.

La destination, c’est le chemin.

Profites-en bien, plutôt que de chercher le dernier arrêt.

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13 Commentaires
  1. Silvère

    Merci Anaelle pour le coup de pied de biche. Avec ça dans une heure j’aurai posté ma lettre de motiv. Sauf si l’envie me vient de manger un bol de glace menthe-basilic entre-temps.

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  2. Mapauto

    Quel plaisir de lire cet article !

    Réponse
  3. Sophie

    Bonjour Anaelle, je viens de lire avec attention ton article et …j’ai pleuré! pleuré de soulagement. Il y a tellement de domaines qui m’intéressent que je me mets une pression énorme pour trouver MA voie, sans jamais y parvenir! J’ai 1000 idées et puis ….rien, car « et si ça n’était pas fait pour moi..??!. » Merci pour cette bulle de déculpabilisation et de légèreté.

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  4. The Flonicles

    Clairement on a été matraqué.e.s ces dernières années avec ces histoires de trouver LA mission qu’on est censé.e accomplir sur terre, ça fout une pression de dingue, encore un truc à potentiellement rater… Ce qui est assez drôle, c’est que quand tu lis le livre sur l’Ikigai je trouve que le message est justement à l’opposé de la méthode pour trouver « son » ikigai que les coach te sortent quand tu es en reconversion pro ou en questionnement sur tes activités, c’est justement plus une question d’être dans un équilibre avec les différentes choses qui t’animent, d’être dans le moment présent…

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  5. Alizée M.

    Très soulagée de lire un article comme celui-ci. Ça fait presque culpabiliser quand toi tu es là comme une idiote à te demander quelle est ta fameuse mission de vie que toutes les personnes en quête de développement personnel te parlent (c’est à dire 85,7% de ton entourage quoi xD). Comme tu dis, pourquoi n’avoir qu’une voie après tout ? 🙂

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  6. Laure

    Merci pour cet article, vraiment. J’ai passé deux ans à me creuser la tête en cherchant « ma vocation », m’attendant à une révélation et plus de facilités derrière. J’ai réalisé aujourd’hui que je ne devais pas attendre d’avoir trouvé le graal des métiers avant de passer à l’action, mais de tester et de m’écouter encore et encore.

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  7. laurence

    Tout ce que tu dis, C’est 100% ce que je viens de vivre ! En faite, J’en ai ras le bol de chercher « ma mission de vie », depuis plusieurs mois… Et te lire, ton humour m’a fait beaucoup de bien …
    J’ai fait un bilan de compétences…j’ai fantasmé un projet que je quitte finalement, au pas de course… j’ai donné de l’énergie sur des actions et j’en ai plus, alors je retombe comme un soufflé au fromage… en me disant, « je ne dois être faite pour ça »…j’ai écouté 3 demi douzaines de coach en développement personnel… Il y a seulement quelques jours jours, je disais à une amie, j’ai besoin de « guides » pour avancer… mais probable qu’il soit au PMU (ce que tu m’a fait rire avec cela).
    Parfois, ça fait du bien de lire ce que personne n’ose te dire, de peur de te démoraliser. En faite, moi, ça me fait un déclic !
    Merci encore pour ce moment de rire (sur moi même) et à bientôt. Laurence

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    • Anaelle

      Yes, la tartine de merde c’est la colonne des « moins ». Si t’es pas prêt·e à la manger, t’es sur du fantasme…

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  8. Finamore Sylvain

    Cela ma fait bien plaisir de lire votre article ,… ! Il est plus rassurant de se raconter des histoires merveilleuses ( qui n’aboutisses à rien ) que de se confronter à la réalité.,… merci

    Réponse
    • Anaelle

      Avec plaisir Sylvain !

      Réponse
    • Anaelle

      Merci Marion 🙂

      Réponse
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